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Commentaire mis à jour sur la troisième Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre

Le Commentaire actualisé de la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre éclaire d’une lumière nouvelle cet instrument et réaffirme sa pertinence.

Le 16 juin 2020, le CICR a organisé un webinaire à l’occasion du lancement de la version actualisée du Commentaire de la Troisième Convention de Genève. Plusieurs experts y ont été conviés pour discuter des principaux arguments développés dans cette nouvelle version en vue de clarifier divers aspects essentiels du traitement des prisonniers de guerre.

Qu’est-ce qui est acceptable et qu’est-ce qui est prohibé dans un conflit armé ? Pierre angulaire du droit international humanitaire, les quatre Conventions de Genève de 1949 définissent un cadre qui répond à cette question.

Lancement de la version actualisée du Commentaire de la Troisième Convention de Genève –webinaire organisé par le CICR sur Vimeo.

Dans les années 1950, le CICR a publié une série de commentaires relatifs aux Conventions de Genève, qui comportaient des conseils pratiques destinés à en faciliter la mise en œuvre. Le droit et la pratique ayant beaucoup évolué depuis, l’institution a fait procéder à une mise à jour de ces commentaires afin qu’ils reflètent la façon dont les Conventions sont interprétées aujourd’hui. Les versions actualisées des Commentaires des Première et Deuxième Conventions de Genève ont été publiées respectivement en 2016 et 2017 (en anglais). Celle du Commentaire de la Troisième Convention de Genève est désormais disponible (en anglais). Explications de Jean-Marie Henckaerts, responsable du projet de mise à jour des Commentaires. 

Quel est le principal objectif de la mise à jour des Commentaires ?

La mise à jour des Commentaires a pour principal objectif de favoriser une compréhension du droit conforme à son interprétation actuelle, afin d’en garantir l’application effective dans les conflits armés contemporains. Il s’agit pour nous d’une contribution importante qui vise à réaffirmer la pertinence des Conventions de Genève, à faire en sorte qu’elles soient mieux respectées et à renforcer la protection des personnes prises dans l’étau des conflits armés. Depuis 70 ans que ces Conventions sont appliquées et interprétées, nous avons acquis une connaissance approfondie de la manière dont elles sont mises en pratique dans les conflits armés à travers le monde, et notamment dans des contextes très différents de ceux qui ont conduit à leur adoption. Grâce à ce recul, les versions actualisées des Commentaires vont bien plus loin que les éditions initiales des années 1950, qui s’appuyaient essentiellement sur les travaux préparatoires aux Conventions et sur l’expérience de la Seconde Guerre mondiale.

Pouvez-vous citer des aspects de la Troisième Convention que ce nouveau Commentaire vient préciser ?

Ce Commentaire explicite de nombreux points, en particulier en ce qui concerne les obligations des parties vis-à-vis des prisonniers de guerre. La Troisième Convention de Genève traite en détail de divers aspects de la vie des prisonniers, du début de leur captivité à leur libération et leur rapatriement. Les éclaircissements apportés par la version actualisée du Commentaire concernent pour une large part les changements importants qui se sont produits au fil du temps dans ce domaine. Par exemple, la déontologie médicale et les normes en matière de protection des données se sont considérablement développées depuis 1949, ce qui soulève des questions autour de l’application des dispositions requérant la divulgation de données médicales, ou encore de la façon dont les données doivent être traitées et protégées à l’ère actuelle du tout-numérique. Les mêmes questions se posent quant à l’emploi, par les puissances détentrices, de moyens électroniques à des fins d’identification des prisonniers de guerre – notamment des techniques biométriques – ou des nouvelles technologies à des fins de surveillance.

La nouvelle version du Commentaire tient également compte de l’évolution des connaissances relatives aux besoins des personnes. Par exemple, si la Convention traite des questions du handicap et de la santé mentale, elle le fait en des termes devenus obsolètes ; il était donc nécessaire de proposer une interprétation qui soit plus en phase avec notre époque. Autre exemple : la Convention comporte une disposition portant spécifiquement sur le respect des femmes, dont l’interprétation a également due être mise à jour. 

Comme vous le voyez, ce nouveau Commentaire tient dûment compte des changements survenus dans la pratique ainsi que dans d’autres domaines du droit depuis les années 1950, afin d’apporter des réponses aux questions juridiques et opérationnelles qui se posent aujourd’hui s’agissant de l’application de la Troisième Convention de Genève.

À qui, selon vous, ce Commentaire servira-t-il ?

Il s’agit d’un outil essentiel pour de nombreux praticiens tels que les commandants militaires, les officiers, les avocats et d’autres professionnels qui interviennent auprès des personnes détenues dans le cadre d’un conflit armé. Il peut être utilisé pour former les membres des forces armées, élaborer des instructions militaires et s’assurer que les ordres émis sont conformes au droit. Il sera également utile aux juges chargés de l’application du droit humanitaire, notamment au sein des cours et tribunaux pénaux devant lesquels peuvent être traduits les auteurs présumés de violations de ce droit. D’autres acteurs pourront également s’y référer, tels que les services juridiques des pouvoirs publics, des organisations internationales, du CICR et des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ainsi que les universitaires. Il est indispensable que le droit soit connu et compris de tous, et nous sommes convaincus que ce nouveau Commentaire y contribuera de manière décisive.

En quoi ce Commentaire demeure-t-il pertinent au regard des conflits armés d’aujourd’hui, qui sont pour la plupart des conflits non internationaux ?

La détention pour des raisons de sécurité est une pratique courante dans tous les conflits armés. Si la question des prisonniers de guerre, régie par la Troisième Convention de Genève, se pose dans les conflits armés de caractère international, il est toutefois important de rappeler que cette convention a été le premier instrument à formuler des règles concernant le traitement des détenus. Elle définit de manière précise un ensemble de principes fondamentaux, tels que le respect de la vie et de la dignité de la personne humaine, qui s’appliquent également dans les conflits armés non internationaux.

Par ailleurs, l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève est une disposition essentielle du droit applicable aux conflits armés non internationaux ; le Commentaire actualisé donne une interprétation détaillée de tous les aspects de cette « mini-Convention » : champ d’application, obligation de traiter les prisonniers avec humanité, prise en charge des blessés et des malades, activités humanitaires, infractions et responsabilités pénales et contrôle du respect du droit, entre autres.

La version actualisée du Commentaire prend-elle en compte d’autres domaines du droit international ?

Lorsque les Conventions de Genève ont été adoptées, de nombreux domaines du droit international n’en étaient qu’au début de leur développement, tels que le droit international des droits de l’homme, le droit pénal international ou le droit des réfugiés, mais ils se sont considérablement étoffés depuis. Ces corpus de droit sont complémentaires du droit humanitaire en ce qu’ils ont tous pour objectif de protéger les personnes qui en ont besoin. Le droit humanitaire n’est pas un corpus autonome ; il est étroitement lié à d’autres domaines du droit international. Par conséquent, les nouvelles interprétations formulées dans le Commentaire actualisé de la Troisième Convention tiennent dûment compte des développements des autres branches du droit chaque fois qu’ils présentent un intérêt pour l’interprétation d’une règle de la Convention. D’autres évolutions dans des domaines juridiques plus techniques tels que le droit des traités ou le droit relatif à la responsabilité des États sont également prises en compte dans la nouvelle version du Commentaire.

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